Omaha la sanglante. les Américains cloués au sol
Plus de neuf siècles après la traversée de la Manche par le duc Guillaume de Normandie, ses descendants refaisaient le chemin inverse. Les Alliés avaient rassemblés quelques 5000 navires qui évoluaient dans une mer démontée, cette armada devait porter un coup de boutoir dans la "Festung Europa" de l'Allemagne nazie. L'armée du monde libre était en marche et rien ne pouvait l'arrêter. Le fameux Reich d'Adolf Hitler qui devait durer mille ans, selon lui, se réduisait comme une peau de chagrin. Sur le front Est les armées allemandes laminées cédaient du terrain, en Italie les Alliés étaient aux portes de Rome et les villes allemandes se consumaient sous les bombes. La Wehrmacht jadis si puissante perdait peu à peu pied.
La plus grande opération militaire de tous les temps allait encore aggraver les choses pour les Allemands, obligés de se battre sur deux fronts. Dans ces 5000 navires des soldats de toutes les nationalités étaient prêts après s'être entraînés pendant de longs mois. Les Anglais voulaient faire payer au prix fort les Nazis, qui avaient rasés plusieurs villes et laver l'affront de Dunkerque en 1940. Les Canadiens attaqueraient avec une pensée pour ceux qui étaient tombés à Dieppe deux ans plus tôt, sans oublier les Français qui piaffaient d'impatience en ce jour de retour au pays. Dans la nuit des bombardiers avaient lâchés des million de bandelettes d'aluminium ( Windows) pour brouiller les stations radars de la côte normande. Avant l'aube des navires s'étaient présentés au large pour dresser un nuage de fumigène destiné à masquer l'arrivée de l'armada. Ce fut ensuite le tour à l'aviation d'entrer en scène, les bombardiers devaient pilloner les plages pour réduire au silence les casernements ennemis. Hélas génés par des nuages les bombes manquèrent totalement leurs cibles, lorsque les premières commencèrent à dégringoler les avions avaient déja franchis la côte. Elles devaient faire plus de victimes chez les vaches dans les herbages que sur les Allemands. Seuls quelques positions furent touchées. La marine pris le relais, mais là encore le tir de barrage ne devait faire que peu de dégats sur les garnisons biens à l'abri dans les bunkers. Les plages de Colleville-sur-Mer, Vierville et Saint-Laurent sur Mer vont entrer dans l'Histoire sous le nom peu enviable d'Omaha la sanglante, baptisées du sang de millier de Gi's.
La marée est basse, et les obstacles piègés sont bien visibles, en revanche il n'y a aucun cratères de bombes pour s'y abriter, et les hommes devront parcourir 500 mètres d'un terrain plat comme le dessus de la main. Alors que les barges commencent à avancer, les Allemands se tiennent prêt.
A 6h30, c'est l'Heure H, les premiers LCI abordent, les mitrailleuses commencent à aboyer et les obus de mortiers tombent, quelques embarcations sont touchées et commencent à brûler. Les rampes s'abaissent et les hommes se retrouvent avec de l'eau parfois jusqu'au cou, essayant d'avancer sur le fond glissant. Des milliers de geysers provoqués par les balles de mitrailleuses, se soulèvent autour d'eux, certains sont touchés et beaucoup de blessés vont se noyer. Le feu est intense, et en quelques minutes la première vague d'assaut est clouée au sol, perdant presque 90% de ses effectifs, la moitié des officiers sont morts ou bléssés. Les équipes de sapeurs se mettent au travail pour pouvoir ouvrir 16 passages à travers les obstacles, pour permettre aux chars d'avancer rapidement. Ils travaillent contre la montre, en n'ayant en effet à peine 30 minutes pour tout ouvrir. Dans un effort désespéré ils détruisent les obstacles qui servent de protection aux fantassins, et parviennent à ouvrir un seul passage aux termes du temps imparti, la moitiée des 270 sapeurs du génie sont décimés.
Les Américains croyaient qu'ils allaient se retrouver face à la 716e division d'infanterie, une unité de faible combattivité, mais quelques semaines plus tôt, le feld maréchal Rommel l'avait renforcé de la 352e division fraichement créée. La résistance avait bien entendu prévenu Londres, mais le renseignement était arrivé trop tard pour être pris en compte. Rommel qui avait inspecté la plage en mai 1944, s'était montré satisfait des défenses installées, 8 points d'appuis parcouraient les 6 kilomètres de Vierville à Colleville, avec des murs antichars et des champs de mines. 15 points de défenses où se trouvaient des canons, des mortiers , lances-flammes et des mitrailleuses étaient autant de difficultés pour les Alliés. Le major Werner Pluskat de la 352e division, dont le poste de commandement se situait dans le WN63 à colleville pouvait compter sur l'appui de ses pièces d'artillerie de 88mm placés à plusieurs kilomètres en arrière des plages. Cependant il n'était présent lors de l'arrivée de la première vague alliée.
Le plan allié prévoyait que les troupes seraient appuyées par des chars Sherman Duplex Drive,amphibies, ces engins seraient mis à l'eau à 5,4 kilomètres des plages, ils devaient gagner la terre par leurs propores moyens. Ces engins étaient une invention britannique, ils étaient équipés d'une jupe en caoutchouc qui se déployait tout autour du blindé jusqu'au dessus de la tourelle. Deux hélices montées à l'arrière du chassis permettaient au char d'avancé, jusquà ce que ses chenilles touchent le sable.Testés avec succès sur des plans d'eaux calmes en Angleterre, peu avant le débarquement, ils ne furent jamais essayés dans les conditions réelles d'utilisations pour lesquelles ils étaient destinés. Mais les Américains s'étaient montré septiques quant à la fiabilité du projet.
Les barges (LCT), transportant les chars de soutien, approchaient de la côte et le commandant de l'une d'elles, le lieutenant Dean Rockwell qui se trouvait sur le LCT-531, transportant les blindés des Cie A et C du 743e bataillon, de blindés en voyant la forte houle, ne pouvait croire en la chance pour les chars de flotter par un temps pareil, il appliqua les ordres qui l'autorisait à décharger ses engins directement sur la plage, si il jugeait trop dangereux de le faire à 5400m comme prévu. Sa flotille de 16 chalands devait se séparer en deux groupes 8 pour Colleville et 8 autres pour Vierville. A L'Heure H-1 minutes Rockwell put décharger ses 4 chars devant Saint Laurent-sur-Mer avant de faire machine arrière juste au moment ou les troupes arrivaient., Dans son groupe, 7 LCT parvinrent à se désenchouer, mais deux brûlaient sur le bord de la plage. L'autre groupe qui devait améner ses chars sur Colleville, mis ses chars à l'eau trop tôt et 27 des 32 Shermans DD ont coulés à pic au fond de la Manche. Sur la partie orientale d'Omaha c'est donc cinq chars seulement qui parvinrent à regagner la plage où deux y furent détruits.
Malgrè l'appui apporter par les chars, ( dont certains sont détruits par l'artillerie) les troupes d'infanterie, sont forcées de se mettre à l'abri du mur antichar, alors qu'à l'extrême droite de la plage devant Colleville, le mur est remplacé par un rampart naturel de galets, que les soldats vont utiliser pour se mettre à l'abri. Les troupes sont désemparées, la moitiée des officiers et des commandants de compagnies étaient morts ou blessés et leurs hommes ne savaient plus quoi faire sous ce déluge de feu.
Les rapports qui parviennent au général Bradley se trouvant sur le navire de l'amiral Kirk, l' USS Augusta, sont très mauvais et signalent que les troupes sont clouées sous un feu intense et que plus aucun mouvement n'est possible. Pendant quelques minutes Bradley pense dérouter le reste des troupes sur Utah Beach, où les rapports sont bien meilleurs, mais se ravise. Les Allemands finiront bien par faiblir et la plage d'Utah ne pourrait pas absorber un tel flux de troupes et de matériels. Il décide de poursuivre comme prévu. Sur la plage à 9h30, l'arrivée de nouveaux officiers va commencer à changer la donne, ils vont réorganiser les hommes et entreprendre des actions offensives qui dans certains secteurs vont porter leurs fruits. Sur le secteur Fox, où les tirs sont moins intenses, un groupe de GI's se portent à l'Est, vers Port-en-Bessin, pour tenter de rejoindre les forces britanniques débarquées à 16 kilomètres.
Vue d'ensemble de la plage d'Omaha. Les cercles rouges représentent les points de défenses allemands.
Le général Omar Bradley monte à bord du croiseur USS Augusta, navire amiral de Western Naval Task Force TF 122 de l'amiral Alan G. Kirk, au large d'Omaha.
La marine prend le relais de l'aviation, malheureusement aucun obus ne toucha sérieusement les défenses allemandes. La fumée dégagée par le bombardement aérien à fortement perturbé la précision des pièces de la flotte.
Embarquement des troupes dans les barges d'assaut.
Les premières vagues d'assaut se dirigent vers Omaha noyée sous la fumée dégagée par les bombardements. Ces hommes appartienent à la 1ere division , ils vont subir de lourdes pertes dans les premières heures.
Ce soldat allemand à demi enterré par une explosion proche tente de s'extraire.
Les hommes de la 1st Infantry Division viennent d'aborder.
Les Engineers (sapeurs du génie) cloués au sol par le feu ennemi, tentent de s'abriter derrière les obstacles . Ces équipes vont subir des pertes considérables.
Célèbre photo prise par le reporter de guerre Robert Capa du magazine Life, qui débarque avec la première vague d'assaut. Un soldat tente de se protéger des tirs des mitrailleuses. La centaines de photos prises par Capa ont été presques toutes détruites lors du développement par la maladresse d'un laborentin trop pressé. Seules quelques unes ont put être sauvées, dont celle-ci, mais restent assez floues. Capa resta sur la plage pendant presque 6 heures, avant de réembarquer. Le nom de l'homme est le Pfc Huston Riley, qui à survécu à la guerre.
Vers 7 heures du matin, devant la plage du Ruquet une épaisse fumée se dégage d'une barge de débarquement, provoquée par l'explosion d'une grenade fumigène probablement touchée par un projectile ennemi. Cette barge provient du navire "Samuel Chase" L'équipage du chaland parviendra néanmoins à eteindre l'incendie avant de repartir. Cliché pris d'une embarcation des Coast-Guards.
A bord de l'USS Augusta le général Bradley et des autres officiers scrutent la plage d'Omaha où les combats font rage. Les premiers rapports provenant des différents secteurs, ne sont pas encourageants, signalant de nombreuses pertes et plus aucun mouvement visibles , troupes clouées au sol. Le général Bradley envisagera de faire réembarquer les troupes pour les dérouter sur Utah où les raports sont biens meilleurs, mais l'arrivée des autres vagues d'assauts finira par débloquer la situation.
Des troupes débarquent dans le secteur du Ruquet.
Les fantassins avancent péniblement vers la plage noyée sous la fumée.
Sous l'abri de la falaise de Colleville-sur-Mer un médic soigne un jeune soldat blessé. (Photo US Signal Corps).
Au même endroit un marin semble en état de choc. Il devait probablement faire partie d'un équipage d'une barge détruite.
Les troupes s'abritent derrière les "asperges de Rommel"pour tenter d'échapper au feu croisé.
Dessin représentant un char Sherman Duplex Drive avec sa jupe baissée.
Un char Duplex Drive qui fut renfloué dans les années 1980. On distingue très clairement les deux hélices qui servaient à faire avancer le véhicule soutenu par sa jupe, avant que ses chenilles touchent le sol. Beaucoup de ces chars mis à l'eau trop tôt ont sombrés.