Après son échec désastreux devant Villers-Bocage, Montgomery continue à penser qu'un mouvement tournant par l'Ouest, est la meilleure façon pour prendre Caen, ce qui s'explique d'ailleurs logiquement car les Britanniques y disposent de suffisamment d'espace pour un déploiement blindé en force. Montgomery charge le général O'Connor de procéder à la rupture du front allemand sur l'Odon avec son 8th Corps. Il dispose de la 49th ( West Riding) Division, de la 15th (Scottish) Division, et de la 11e Armoured Division. Les deux premières doivent ouvrir un passage aux blindés, en capturant les ponts sur l'Odon ( ou en y établissant des ponts s'ils ont été détruits) afin que la 11th Armoured Division se retrouve en terrain libre pour marcher en direction de l'Odon.
L'opération Epsom débute le 25 juin. Elle ne rencontre pas le succès souhaité. La 12e SS-Panzerdivision Hitlerjugend, qui fait face aux unités britanniques, se défend avec une grande maîtrise et l'assaut britannique piétine, notamment parce que deux positions allemandes résistent à tous les assauts: Carpiquet à l'Est et Grainville-sur-Odon à l'Ouest. Entre ces deux points, la 15th (Scottish) Division parvient à enfoncer un coin dans les lignes allemandes, mais le saillant formé est très étroit et les troupes qui s'y entassent n'ont aucun espace pour se déployer. Le "Scottish Corridor", ou couloir écossais, ainsi formé reste vulnérable aux contre-attaques allemandes et l'avance britannique s'enlise à hauteur de la route reliant Caen à Villers-Bocage. Le 27 juin 1944, à 18 heures, le 2nd Argyll & Sutherland Highlanders de la 227th Brigade parvient à s'emparer du pont en pierres de Tournauville, sur l'Odon. Une petite tête de pont est établie au Sud de l'Odon et trente minutes plus tard, le 23nd Hussars de la 11th Armoured Division est envoyé en avant.
Les Britanniques franchissent l'Odon
Le terrain est très difficilement praticable pour les chars. L'Odon est une petite rivière, étroite qui ne dépasse pas les deux mètres de large et ses rives sont très escarpées, en outre les bords de la rivière sont bordés d'arbres épais, qui masquent complètement les vues de chaque côté du cours d'eau. De plus la vallée est très encaissée. A 19 heures, les escadrons B et C du 23nd Hussars arrivent sur la rive Sud de la rivière, les half-tracks de la compagnie H de la 8th Rifle Brigade les accompagnent. En arrière, sur l'autre rive , la brigade d'infanterie de la 11th Armoured Division tente de suivre, mais elle est prit dans les embouteillages causés par les convois de ravitaillement de la 15th Scottish Division. Une grande confusion règne dans le secteur, le commandement des deux divisions ignorent si l'Odon a été franchi. C'est pourquoi, la 159th Brigade reçoit l'ordre de franchir de vive force le cours d'eau, en pleine nuit, ce qui reste exeptionnel chez les Britanniques. Les troupes se rassemblent vers 21 h 30, puis attaque avec deux bataillons en tête: le 1st Herefords et le 4th King's Shropshire Light Infantry (KSLI), le 3rd Monmouth reste en reserve. Le major Thornburn du 4e(KSLI) traverse la rivière par un pont ornemental avec ses hommes et ils arrivent devant les portes du château de Baron, sans rencontrer personne, il est alors 22h45. les Herefords traversent par le pont de Tourmauville puis se déploient sur la rive Sud, au-delà de la position occupée par les Argyll. Ils sont bientôt rejoints par les chars de la 29th Armoured Brigade.
Le 28 juin à l'aube, les Britanniques observent des mouvements ennemis sur une colline qui domine le secteur, la côte 112. Celle-ci se trouve assez loin, mais les blindés britanniques y repèrent tout de même deux Panzer IV et ouvrent le feu. Selon leurs rapports, l'un d'entre eux est détruit et l'autre endommagé. Ces deux blindés appartenaient à la 5e kompanie du 12e SS Panzer Regiment. Des grenadiers de la "Hitlerjugend" se trouvent aussi dans le même secteur. L'infanterie britannique leur donnent la chasse. Après quelques escarmouches assez hasardeuses, les Anglais n'arrivent pas progresser, les Allemands bien camouflés dans le bocage, sont très durs à délogés. Les Britannique forment alors de petits groupes d'hommes chargés de pourchasser ces "snipers" comme ils les surnomment, et obtiennent quelques bons résultats. Peu après le commandant du 23rd Hussars envoie en avant son escadron B pour occuper la côte 112, mais les Allemands s'y trouvent encore et se sont renforcés. Les blindés britanniques arrivent par le Nord évitant les ruines de Baron, un premier char est stoppé par un coup de 50mm qui sectionne une chenille, puis le blindé du lieutenant Cochrane est détruit et son équipage doit s'échapper pour se mettre à couvert sous un feu nourri. Mais l'escadron B à infléchit son mouvement vers l'Est, et parvient à prendre pied au Nord du sommet de la côte 112. Les Allemands dans ce secteur se sont dissimulés dans un petit bois. Les Panzer disposent de plusieurs positions et en changent si souvent que ni les chars, ni l'artillerie britannique n'arrivent à les avoir. Ils doivent alors faire intervenir des Typhoon armés de roquettes, mais les blindés allemands sont si bien camouflés que les pilotes ne les voient pas. Des fumigènes rouges sont tirés pour les aidés à les signaler, mais l'un d'entre eux tombe au beau milieu des blindés britanniques. Pour éviter toute méprise,tout le sommet de la côte 112 est très vite noyé sous un écran de fumigène jaune qui signifie qu'il s'agit de troupes amies. L'escadron C de la compagnie H du 8th Rifle Brigade et l'escadron régimentaire rejoint alors les troupes du 23rd Hussars.
La position reste inconfortable, l'artillerie antichars allemande provoque des pertes de plus en plus lourdes chez les Britanniques. L'infanterie est alors chargée de nettoyer le petit bois et s'en rend maître assez facilement, car les fantassins allemands sont peu nombreux. La "Hitlerjugend" monte alors une contre-attaque concentrique engageant des Panther du 1. Abteilung attaquant du Sud et des panzer IV du 2. Abteilung, venant du Sud-Ouest. L'attaque allemande ne parvient pas à reprendre la côte 112, mais alourdit les pertes déjà importantes du 23rd Hussars. Il ne peut espérer poursuivre en direction de l'Orne, bloquant ainsi toute la 29th Armoured Brigade. Les Allemands se renforcent en installant des canons de 88mm, et augmentent le nombre de leurs blindés, en vue d'une autre contre-attaque. Celle-ci accompagnée de grenadiers restera vaine. Avec l'échec des contre-attaques allemandes, les Britannique vont avoir un répit, mais le 23rd Hussars n'a plus de munitions et ne peut se réapprovisionner en plein jour. il est relevé vers 15 heures, le 28 juin, par le 3rd Royal Tank Regiment (RTR). En douze heures, il a perdu 33 tués, 33 blessés et 6 disparus. La compagnie G du 8th Rifle Brigade relève la compagnie H dans le même temps. Au cours de cette relève les Nebelwerfer ( lance roquettes) allemands vont semer une incroyable confusion et à la fin du tir les troupes britanniques vont se retrouver totalement mélangées, les blessés appelant à l'aide et aucun officier ne pouvait espérer donner des ordres qui soient obeis. Des observateurs avancés de la 8 Werfer Brigade allemande seront débusqués à proximité des troupes britanniques. Dans la soirée un message allemand est intercepté et décodé par Ultra: Rommel vient d'ordonner au 2. SS-Panzerkorps, fort d'environ 40 000 hommes, de contre-attaquer les Britanniques par l'Ouest, à travers l'Odon pour balayer le 8th Corps d'O'Connor .Le général anglais prend les devants et ordonne le replit des troupes qui occupent la côte 112. Le repli se fait dans un certain désordre, mais les Allemands ne semblent pas contre-attaquer, de ce fait au matin du 29 juin le 3rd RTR ainsi que deux compagnies du 8th Rifle Brigade réocuppent la côte 112. Ils la trouve dans l'état ou ils l'avaient laissé la veille sans aucun Allemand. C'est que ces derniers se préparent à attaquer en tenaille le couloir écossais. Les Britanniques reprennent donc leur position, mais, les tirs de l'artillerie allemande ne tardent pas à reprendre, cette fois moins violents vu que la côte 112 n'est plus l'objectif du jour. En revanche le long du couloir écossais la pression allemande est très forte.
L'offensive allemande menace tout le dispositif britannique dans la tête de pont de l'Odon. Elle sonne le glas de l'opération Epsom: la 11th Armoured Division, en pointe au fond du corridor, est dans l'impossibilité d'avancer vers le Sud et vers l'Orne et se trouve dans une position dangereuse, ne servant à rien pour la défense du couloir écossais. Montgomery doit se résoudre à abandonner l'opération Epsom en raison de la gravité de la situation. La 11th Armoured Division abandonne le couloir écossais, sans avoir atteint ses objectifs.
La compagnie D du 2nd Argylls partant pour l'opération Epsom au son d'une cornemuse. (IWM).
24 juin: Des fantassins britanniques sur la ligne de départ.
Fusiliers du 6th Royal Ecossais avançant dans la brume matinale, au début de la bataille d'Epsom.
Troupes britanniques traversant Saint-Manvieu-Norrey.
Un Sherman ravitaillé en carburant au pied de la côte 112.
Ces genadiers SS scrutent le ciel et vont vite apprendrent à se méfier des "Jabos" (chasseurs-bombardiers) qui feront des ravages dans les unités blindés allemandes. (Bundesarchiv).
Secqueville-en-Bessin: Un jeune officier de la 12-SS-Panzerdivision Hitlerjugend est interrogé par un officier du 8th Corps.